réflexions
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« Tabitha » Actes 9, 36-42
36 Il y avait à Joppé parmi les disciples une femme du nom de Tabitha, en grec Dorcas. Elle était riche des bonnes œuvres et des aumônes qu'elle faisait. 37 Or il se fit qu'elle tomba malade en ces jours-là et mourut. Après l'avoir lavée, on la déposa dans la chambre haute. 38 Comme Lydda n'est pas loin de Joppé, les disciples, apprenant que Pierre s'y trouvait, lui dépêchèrent deux hommes pour lui adresser cette prière : « Viens chez nous sans tarder ». 39 Pierre partit tout de suite avec eux. Aussitôt arrivé, on le fit monter à la chambre haute, où toutes les veuves en pleurs s'empressèrent autour de lui, lui montrant les tuniques et les manteaux que faisait Dorcas lorsqu'elle était avec elles. 40 Pierre mit tout le monde dehors, puis à genoux, pria. Se tournant ensuite vers le corps, il dit : « Tabitha, lève-toi. » Elle ouvrit les yeux et, voyant Pierre, se mit sur son séant. 41 Lui prenant la main, Pierre la fit lever. Appelant alors les saints et les veuves, il la leur présenta vivante. 42 Tout Joppé sut la chose, et beaucoup crurent au Seigneur.
INTRODUCTION
Trois paralysies remplacées par trois guérisons, tel pourrait être le titre de notre étude d'aujourd'hui. Notre texte nous parle non seulement d'une femme morte et ressuscitée, mais il est aussi l'occasion de changements majeurs dans le christianisme naissant, de situations de mort à des situations de vie. Allons voir pourquoi.
Méthode de Luc
Comme il a l'habitude de le faire, Luc, l'auteur du troisième évangile et des Actes des apôtres, jumelle souvent côte à côte un homme et une femme. C'est ce qu'il fait encore ici alors qu'avec le « contexte avant », nous retrouvons d'abord Énée (Ac 9, 32-35) jumelé à Tabitha (Ac 9, 36-43) d'une part et qu'avec le « contexte après », nous retrouvons Tabitha jumelée cette fois (Ac 9, 36-43) à Corneille (10, 1-43) d'autre part. Ainsi notre dame Tabitha est bien encadrée par deux hommes secourus également comme elle. Ne serait-ce pas déjà une piste, de la part de Luc, pour nous faire bien comprendre que la femme est aussi importante que l'homme ?
Les contextes
Avant (Actes 9, 32-35)
Jetons d'abord un coup d'œil sur la comparaison entre notre texte et celui qui le précède.
Similitudes
Grâce à l'association entre le « contexte avant » et notre texte étudié aujourd'hui nous pouvons y voir deux êtres en état d'urgence qui sont libérés par Pierre. Dans les deux cas, il n'est pas question d'attendre ou d'étirer le supplice. C'est « tout de suite » v39 que doivent être secourus nos deux bénéficiaires. On ne lambine pas et « aussitôt » arrivé, Pierre s'exécute avec célérité comme il l'a déjà fait pour le paralytique. Les deux sont prénommés. Aux deux, Pierre ordonne de se lever. Dans les deux cas en se rendant compte de ce qui vient de se passer en faveur de ces deux êtres, nous assistons à des multiplications de croyants puisque dans un cas « tous les habitants » v35 se convertirent et dans l'autre cas lorsque « tout Joppé sut la chose beaucoup crurent au Seigneur » v42.
Différences
Dans le « contexte avant » le secouru est un homme de Lydda du nom d'Énée alors que dans le texte qui nous occupe aujourd'hui il s'agit d'une femme de Joppé du nom de Tabitha avec en grec une équivalence « Dorcas ». À part de nous dire qu'Énée est paralytique depuis huit ans il n'y a pas d'autres précisions sur l'être et le faire de notre homme, alors qu'elles abondent cependant pour la femme. On précise qu'elle « était riche des bonnes œuvres et des aumônes qu'elle faisait ». L'auteur insiste même une deuxième fois en soulignant que les veuves montraient à Pierre « les tuniques et les manteaux que « faisait » Dorcas lorsqu'elle était avec elles ». Bien plus encore puisque Luc souligne qu'elle est « parmi les disciples ». Nous comprenons alors l'empressement à avertir Pierre pour qu'il vienne expressément à Joppé. Ce malheur de la mort de Tabitha survient subitement « en ces jours-là » v37 alors que pour Énée sa paralysie dure « depuis huit ans » v33. Sa guérison se passe à ras de terre, puisqu'Énée « gisait sur un grabat », alors que la résurrection de Tabitha se passe, elle, dans la « chambre haute » v37.39. Tous assistent à la guérison de notre homme alors que Tabitha est seule avec Pierre dans la chambre haute puisque Pierre avait vidé l'endroit pour être seul avec elle. Pierre ordonne au guéri de faire son lit, alors qu'il n'a pas besoin de le faire pour Tabitha qui excelle dans le faire et qui a besoin d'entendre autre chose. Pierre souligne au premier que c'est Jésus-Christ qui le guérit alors qu'il n'a pas besoin de préciser pour Tabitha qui sait.
Après (Actes 10, 1-43)
Jetons, maintenant, un coup d'œil sur la comparaison entre notre texte et celui qui suit.
Similitudes
D'abord regardons les éléments semblables. Notre texte et le « contexte après » débutent tous deux exactement par la même formule « il y avait à...». Les deux personnages qui nous intéressent sont prénommés tous les deux. Dans les deux cas deux messagers sont envoyés chercher Pierre. Les deux êtres rejoints par Pierre, Tabitha et Corneille, sont admirables par leur bienfaisance. Dans les deux cas on témoigne de leur vie exemplaire vouée à rendre service. Et pour l'une et pour l'autre Luc répète deux fois son éloge à leur endroit (9, 36 et 39 pour la première) (10, 22 et 31 pour le second). Malgré le fait qu'ils soient tous les deux admirables par leurs bonnes actions, il n'en demeure pas moins que tous les deux sont culturellement et religieusement exclus selon les coutumes et même la loi religieuse, car considérés comme « impurs et souillés ». Dans le premier cas il n'est pas question de ces règles habituelles d'exclusion, de marginalisation. C'est implicite. Dans le deuxième cas, Pierre l'explique bien de façon très explicite. (Ac 10, 28)
Différences
Il y a de profondes différences entre la bénéficiaire de notre texte d'aujourd'hui et le bénéficiaire de notre « contexte après ». L'une est une femme à Joppé et l'autre un homme à Césarée. L'une, Tabitha, est parmi les disciples et l'autre, Corneille, est centurion de la cohorte italique. L'une est familière et l'autre étranger. L'une est amie et l'autre, bien que bon avec toute sa maison pour le peuple juif, est tout de même un membre de l'armée ennemie. Notre femme est une humble habitante de Joppé alors que Corneille est un centurion, chef de cent dans la hiérarchie romaine à Césarée. Dans le premier cas, il y a urgence à se rendre auprès de Tabitha décédée, alors que, dans le cas de Corneille, on ne se rendra auprès de lui que le lendemain. Dans le cas de la dame décédée on ne parle pas des règles d'exclusion habituelles, contrairement au cas de Corneille où Pierre explique que d'habitude on ne fraie pas avec des personnes étrangères considérées jusqu'alors comme des impures et des souillées. (10, 28)
Notre femme
Jetons un regard sur notre personnage féminin vedette du jour. Contrairement à Énée, Tabitha comme Corneille est riche et en fait profiter ses proches de la communauté juive. Il n'y a rien qui nous empêche de penser que la résurrection de Tabitha est non seulement physique, mais aussi intérieure. Pourquoi elle, qui est tombée, ne serait-elle pas aussi haussée autrement, à un autre niveau, par cette résurrection ? A-t-elle compris tout l'amour manifesté par Dieu à travers Pierre en comprenant « que Dieu ne fait pas 3exception des êtres », mais qu'en tout groupe celui ou celle « qui le craint et pratique la justice lui est agréable », pas moins les femmes que les hommes. 10, 34-35 « Mais Dieu vient de (lui) montrer, à (elle), qu'il ne faut appeler aucun être souillé ou impur ». 10, 28 Elle est surprise d'être là seule avec un homme dans cette « chambre haute », ce qui habituellement est interdit. S'en rendant compte, elle se redresse spontanément « sur son séant » v41 Non seulement Dieu vient de la lever d'entre les morts « Tabitha, lève-toi » v40, mais Pierre l'accompagne dans une seconde levée, celle-là humaine lui soulignant toute la valeur de son être. « Lui prenant la main, Pierre la fit lever » v41, la fit s'élever, la fit se hausser de là où elle était tombée à cette nouvelle hauteur d'estime de soi, de femme importante. C'en est assez de cette vie antérieure, passe à mieux, semble-t-il lui faire comprendre. Vivante, elle l'est deux fois et Pierre a bien raison de la présenter à tous aussi en tant qu'être ressuscité dans la perception de son être à 100 % digne tout autant que les hommes. Deux fois Luc utilise le verbe « faire » qui nous fait saisir ce qui inconsciemment ou consciemment a rendu Tabitha malade au point d'en mourir. (« Des bonnes œuvres et des aumônes qu'elle faisait » v36 et « toutes les veuves en pleurs s'empressèrent autour de lui, lui montrant les tuniques et les manteaux que faisait Dorcas » v39). Par l'intervention de Pierre elle saisit non seulement que la barrière homme femme est abolie, mais elle voit également qu'elle n'est pas appréciée seulement pour son faire, mais encore plus pour son être. Ainsi Pierre n'a pas besoin de lui dire comme à Énée « fais toi-même ton lit » 9, 34. Elle excelle dans le faire et ce qu'elle a besoin d'entendre ce n'est pas une appréciation de son faire utile parmi les disciples, mais l'appréciation de son être tout court, même féminin. La répétition deux fois de la « chambre haute » nous suggère bien l'idée cachée qu'il se passe quelque chose de « haut », le soulignement que la femme est l'égal de l'homme et bâtisseuse à sa manière et avec ses richesses propres d'une humanité améliorée. La personne généreuse qu'elle est en partageant ses biens se voit reconnu plus encore pour son être précieux que pour son avoir et son faire. Cette approche englobante de Dieu pour ses créatures est une belle leçon pour les lecteurs de Luc pour grandir à la dimension du cœur de Dieu amoureux de ses enfants peu importe leur sexe. Bien plus que la résurrection de Tabitha il y a la résurrection d'un « modus vivendi » englobant en brisant les chaines du sexisme et en rejetant toutes une série de tabous qui normalement empêchaient Pierre d'être seul avec une femme autre que son épouse ou sa mère ou ses filles. Plus encore Pierre la touche en lui prenant la main, c'est de l'inimaginable dans sa culture et sa religion. On a bien raison de parler de « chambre haute » parce qu'ils s'y passent des élévations renversantes. C'était non seulement Tabitha qui était tombée malade jusqu'à en mourir, mais la société aussi tombée malade à cause de ses tabous, ses barrières, ses murs d'incompréhension jusqu'à mourir à cela pour ressusciter à la réalité de l'égalité des sexes et de l'importance des deux sexes autant femmes qu'hommes pour bâtir un monde meilleur. Nous étions tombés bien bas et nous avions besoin de l'intervention divine pour nous relever d'un tel état d'appauvrissement. Quand Tabitha a ouvert les yeux c'est tout cela qu'elle a vu caché derrière le déroulement de l'action. Pierre avait mis la table en fermant la porte et en jetant dehors l'ancienne perception limitée de cette femme pour seulement son faire. Il fallait monter d'un étage, aller plus haut. C'est une toute nouvelle femme, un tout nouvel être humain que Pierre présente non seulement aux saints et aux veuves, mais à tout Joppé à qui ça plait au point de croire au Seigneur.
Conclusion
Énée, notre paralytique physique, nous a stimulés à réfléchir sur deux autres paralysies, celle par rapport aux femmes et celle par rapport aux étrangers. Dieu par l'entremise de Pierre nous libère de l'exclusion que nous pratiquions auparavant. Encore aujourd'hui des murs sont à démolir et des ponts sont à construire. « Sans tarder » v38 et « tout de suite » v39 nous devons cesser d'être fermés et nous devons nous ouvrir à la dimension du cœur de Dieu où il n'y a pas de place pour le sexisme et le racisme et la xénophobie.
Micho Lemieux | bibliste
Atelier biblique des 3B de la Fondation La Présence
jeudi 25 juillet 2019
POÉSIE
Tabatha
Te voilà
Te voilà revenue à la vie
Ton cœur dorénavant
Te donnera le rythme
De l’être
qui, en toi,
Animera tes jours.
Ressusciter,
c’est reconnaitre
Que l’ombre et la lumière
peuvent s’épouser.
Vandière
arts visuels
« L’AUJOURD’HUI »