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réflexions
Une veuve, pauvre… | Marc 12, 41-44
41 Jésus s’assoit devant le Trésor : il regarde comment la foule jette du billon dans le trésor. Beaucoup de riches en jettent beaucoup. 42 Vient une veuve, pauvre, elle jette deux liards (c’est un quart de sou). 43 Il appelle à lui ses disciples et leur dit : « Amen, je vous le dis, cette veuve, qui est pauvre, a jeté plus que tous ceux qui ont jeté dans le Trésor : 44 car tous ont jeté de leur surplus. Mais elle, de son manque, tout, autant qu’elle avait, elle a jeté, sa subsistance entière! »
aussi dans | Luc 21, 1-4
Traduction utilisée pour l’analyse
Les Évangiles, les quatre, Matthieu, Marc, Luc, Jean;
Nouvelle traduction par soeur Jeanne d’Arc, op
Desclée de Brouwer, Paris, 1992Réflexion
Réflexion
Contexte avant
Au temple, Jésus enseigne et « la foule, nombreuse, l’entendait volontiers. » (12, 37) Dans cet enseignement de dernière heure, Jésus souligne qu’il y a danger de vouloir ressembler à ceux qui semblent avoir réussi dans la vie. Jésus prévient concrètement « Gardez-vous des scribes : ils veulent marcher en robes longues, et salutations sur les places publiques, et premières stalles dans les synagogues, et premiers sofas dans les dîners. Ces dévoreurs des maisons des veuves affectent aussi de prier longuement ! Ils recevront un surplus de condamnation. » (12, 38-40) D’ailleurs cette catégorie de personnes bien en vue parle même de l’être humain comme d’un avoir, d’une possession. Ainsi parlant de la femme aux sept maris, on dit en 12, 23 que « les sept l’ont eue pour femme » comme si la femme était une chose qu’on a en sa possession. Heureusement Jésus répond immédiatement par un « on est » au verset 25, réenlignant le discours sur l’être à respecter plutôt que sur l’avoir à posséder. Jésus continue sans cesse de signifier la priorité de l’être sur tout. Et puis nous dit Anselm GRÜN, « le nombre 7 utilisé, dans la symbolique des chiffres, est celui de la métamorphose ». Ici le 7 utilisé pour les 7 maris » souligne le changement urgent à vivre de l’idée que l’avoir est ce qu’il y a de plus important à l’idée que c’est plutôt l’être qui est la valeur première.
Contexte après
D’ailleurs en sortant du temple, devant la beauté duquel se pâment ses disciples, Jésus recentre encore le tir soulignant que ce genre de bâtiment, si beau soit-il, un jour ne sera plus. « Il ne sera laissé pierre sur pierre qui ne soit détruite. » (13, 1-2) Plutôt il faut construire l’être, cet être qui est plus important que l’avoir, que le faire, que le paraître, cet être appelé, lui, à durer toujours.
Notre texte
Justement la visite au temple d’une veuve, pauvre, vient au secours de Jésus pour illustrer son enseignement sur l’être à privilégier et l’avoir à subordonner à cet être si important. Par le verbe jeter employé 7 fois (deux fois à chacun des versets 41.43.44 et une fois au verset 42), Marc illustre bien par la symbolique du chiffre 7 la saveur de radicalisme qu’il veut donner à cette transformation primordiale à vivre de l’attachement à l’argent qui paralyse à l’investissement de cet argent au service de l’être. Marc démontre ainsi tout le sérieux de l’engagement total de cette femme avec tout son avoir, elle qui vit pourtant dans la plus grande des précarités. Sœur Jeanne d’Arc et Chouraqui auraient pu comme bien d’autres traducteurs employer des verbes plus doux comme donner, déposer ou verser, mais ils ont voulu nous partager toute la violence que Marc semble vouloir associer au verbe grec « ballô », martelé sept fois dans notre tout petit passage de quatre versets que nous explorons aujourd’hui.
Le « jeter » ici employé ne réfère pas à l’idée de jeter l’argent par les fenêtres comme dans des dépenses extravagantes qui assouvissent des envies personnelles de luxe sur le dos du collectif abusé par ces véritables « dévoreurs des maisons des veuves » (v. 40) dont vient de parler Jésus. Non il s’agit plutôt de souligner la subordination de l’argent, valeur inférieure, outil au service de la valeur principale qui est l’être humain. Jésus nous invite à être comme cette veuve pauvre qui se débarrasse, se défait, n’est pas attachée, n’est pas esclave de ce métal qui ne doit pas être encombrant pour elle, mais utile parce qu’au service des urgences qu’elle rencontre sur son chemin. Marc manifeste par ce ton de langage que c’est l’être qui possède l’argent, que c’est cet être qui a pouvoir sur l’argent et non le contraire.
L’être humain ne doit pas être possédé par ce froid métal. Au contraire l’être s’en sert librement pour créer de la vie. Plus encore se « jeter », ce « ballô » grec employé par Marc, pourrait-il symboliquement représenter aussi le geste du semeur qui nourrit le sol de graines qui feront pousser le blé pour faire le pain quotidien nécessaire à la subsistance de tous les êtres humains qui sont sous sa responsabilité. Comment ne pas se rappeler le célèbre épisode d’une autre veuve, celle-là de Sarepta, celle-là de l’Ancien Testament qui, au temps d’une grande famine s’apprêtait à mourir de faim avec son fils. Le prophète Élie est venu lui demander le peu qui lui restait pour vivre. Comme notre veuve pauvre du temple elle a tout investi au présent avec la confiance que demain s’occuperait de demain. De ce qu’elle a semé ce jour-là dans la confiance totale elle a récolté ensuite pour tous les jours de sa vie puisque la farine de son pot et l’huile de sa cruche jamais ne se sont épuisées. (IR 17, 10-16) En ces derniers moments de sa vie Jésus invite à la conversion radicale. Il nous dit l’urgence de passer du mauvais rôle des grands prêtres, des scribes, des anciens, des pharisiens, des Hérodiens, des Sadducéens à celui de la veuve pauvre. Dans les premiers nous reconnaissons les abuseurs dominateurs qui sont prêts à tout pour entasser le vil métal, même à appauvrir encore les plus démunis pour s’enrichir. Jésus appuyé par l’exemple de la veuve pauvre nous invite plutôt à devenir des passionnés de l’être à secourir en y investissant toute sa personne (être), toutes ses habiletés (faire) et tout son avoir (argent et autres). Ainsi au lieu de faire des victimes nous construirons des êtres libres et épanouis.
Bien sûr il n’y a pas que de mauvais riches, il y aussi de bons riches et la preuve, Jésus en 12, 34 souligne justement à l’un de ceux-là que s’aimer, aimer les autres et ainsi aimer Dieu, c’est n’être pas loin du royaume de Dieu, espace et temps accordé à Dieu, lieu et temps où on réussit sa vie au lieu de seulement réussir dans la vie, ici et maintenant qui favorise l’épanouissement de l’être. L’être épanoui, c’est celui qui travaille passionnément au service de l’être et qui subordonne l’économie au service des urgences auxquelles il faut vite répondre. Les veuves et les orphelins sont les catégories d’êtres qui représentent celles et ceux qui doivent prioritairement être secourus et non exploités et abusés. Ces sous investis sont vivants et non morts. Investis au service de l’être en détresse, ils créent de la vie et non de la mort. Ils ne sont pas figés en un système économique froid et assassin qui ignore l’être et ses misères. En secourant la veuve, plutôt qu’en l’abusant, l’être responsable agît en véritable roi du royaume présent. Le roi dans l’optique de Dieu, c’est celui ou celle qui s’inquiète et s’engage au service des plus pauvres représentés symboliquement dans notre livre sacré par la veuve.
Aujourd’hui nos rois, ce sont nos ministres qui n’ont pas oublié que le mot ministre signifie serviteur. Ils se font serviteurs du plus pauvre et non-abuseurs des plus démunis. Ils sont conscients que le trésor qui leur est confié ce sont les êtres humains habitant le territoire sous leur juridiction. Enfin comprenons bien que Jésus ne veut pas que nous soyons des pauvres, mais des riches qui savent inventer pour multiplier pour bien collectif. L’être en détresse est premier servi. « Les derniers seront les premiers » (Mc 10, 31).
Micho Lemieux | bibliste
Atelier biblique des 3B de la fondation La Présence
POÉSIE
Dans sa prière la veuve répétait
Sans cesse :« Ne m’oublie pas,
Ne m’oublie pas ».
Parfois ces mots-là
Elles les criait
Plutôt que de les dire pieusement.
Pour elle « Ne m’oublie pas » signifiait : « Regarde-moi la veuve ».Brise ma pauvreté, congédie ma misère.
Au temple parmi les riches, humblement, elle déposa sa dernière pièce dans le tronc des aumônes, marmonnant toujours « Ne m’oublie pas ».
Mais heureuse d’avoir donné
son regard s’illumina. C’est alors que Jésus la vit.
Ému, émerveillé, il la donna en exemple dans le temple.
Ainsi elle prit place même dans l’histoire. Fut-elle oubliée ?
Certes non ! On en parle chez Dieu comme chez les humains
d’aujourd’hui.
Vandière
arts visuels
« L’AUJOURD’HUI »
septembre 2012