logiciels compatibles | apple safari | google chrome | firefox
logiciels compatibles | apple safari | google chrome | firefox
réflexions
La Cananéenne et sa fille | Marc 7, 24-30
24 De là il (Jésus) se lève et s’en va vers les territoires de Tyr. Il entre dans une maison. Il veut que personne ne le sache, et ne peut se dérober. 25 Mais aussitôt une femme qui a entendu parler de lui, sa petite fille a un esprit impur, vient et tombe à ses pieds. 26 La femme est une grecque, de Syrie, phénicienne de race. Elle le sollicite de jeter le démon hors de sa fille. 27 Il lui dit : « Laisse d’abord se rassasier les enfants. Car il n’est pas beau de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiots. » 28 Elle répond et lui dit : « Seigneur ! Et les chiots, sous la table, mangent des miettes des petits enfants! » 29 Il lui dit : « À cause de cette parole, va : le démon est sorti de ta fille. » 30 Elle s’en va à son logis. Elle trouve la petite enfant jetée sur le lit, et le démon, sorti.
aussi dans Matthieu 15, 21-28
Traduction utilisée pour l’analyse
Les Évangiles, les quatre, Matthieu, Marc, Luc, Jean;
Nouvelle traduction par soeur Jeanne d’Arc, op
Desclée de Brouwer, Paris, 1992
Réflexion
Jésus a bien mérité des vacances. Il a travaillé fort. Il a dépensé beaucoup d’énergie à enseigner aux pharisiens et aux scribes qui l’interrogeaient (7, 1), puis aux foules qu’il avait appelées (7, 14) et enfin aux disciples qui, lorsqu’ils furent entrés au logis, demandaient plus de précisions sur ces derniers enseignements. (7, 17) À tous ceux-là, il leur a appris que l’impur principal, dont on doit se préoccuper, vient de l’intérieur de notre cœur personnel et de l’intérieur du cœur de notre communauté qui refuse parfois d’évoluer et d’accueillir le nouveau. Vidé d’avoir si énergiquement mis les points sur les i, il pense avoir le droit de se reposer, ce pourquoi peut-être il s’éloigne de son pays et va à l’étranger vers les territoires de Tyr . Il se réfugie dans une maison tout en espérant passer inaperçu. (v24) Non seulement veut-il se reposer, mais aussi se repositionner.
En effet l’enseignant, nous le savons bien, c’est d’abord à lui-même qu’il s’adresse et Jésus n’y fait pas exception. Les questions des pharisiens, des scribes, des foules et des disciples ont forcé Jésus à creuser profond en lui pour bien leur répondre. Mais ce faisant il a remué ses propres profondeurs. Jésus sait bien qu’on doit d’abord se convertir soi-même, s’améliorer soi-même, avant de vouloir convertir les autres. Il a donc besoin de faire le point et de voir clair. Dieu, son Père l’entend se demander consciemment ou non…
Est-ce que moi-même je suis trop attaché « à la tradition des anciens » ? (v3) Est-ce que j’ai moi-même « reçu » des choses auxquelles je « tiens » (v4) et dont je devrais me départir ? Est-ce que moi-même je « marche » trop « selon la tradition » de mes pères religieux ? (v5) Est-ce que mon propre « cœur s’écarte « de Dieu ? (v6) Est-ce que moi-même « j’honore » Dieu par mes paroles humaines, mais que mes propres actions ne correspondent pas à sa divine volonté ? (v6) Est-ce que ce que moi-même « j’enseigne » n’est que « préceptes » reçus des êtres humains qui m’ont éduqué ? (v7) Est-ce que moi-même je m’éloigne du « commandement » de l’Être suprême pour m’en tenir à la « tradition « de ces êtres humains ? (v8) Est-ce que moi-même « je repousse le commandement » divin pour ne garder que ma « tradition » humaine ? (v9) Est-ce que moi-même « j’annule la parole de Dieu » par la tradition que je « transmets » ? (v13) Est-ce que je serais moi aussi « sans discernement » ? (v18) Est-ce que chez moi il n’y aurait pas des « réflexions méchantes » , des « mauvaisetés » , un « œil mauvais » , « toutes ces choses mauvaises qui sortent du dedans » et qui me « souilleraient » ? (v21-23) Dieu, comme il le fait souvent dans pareil cas, envoie un être humain répondre au questionnement de l’être honnête qui se remet en question consciemment ou inconsciemment. Par une intervention particulière il lui ouvre les yeux et lui fait comprendre la voie à suivre. Dieu, Père, qui s’inquiète pour son fils-Jésus lui envoie une femme-mère qui, elle, s’en fait pour sa fille.
Notre texte
Cette envoyée du Père est une femme, premier obstacle. C’est une étrangère, grecque, de Syrie, phénicienne de race, deuxième obstacle. Sa fille souffre. C’est urgent qu’elle soit guérie. C’est pour cela que cette mère a transgressé le fait qu’une femme en ce temps-là n’approche pas un homme, étranger de surcroît. De plus elle sait également qu’il est juif et que sa religion lui apprend que ceux qui ne sont pas de la même religion que lui sont des impurs desquels il faut se tenir loin de peur d’être souillé. Voilà pourquoi Jésus lui répond très rapidement par une image qui vaut mille mots et qui devrait clore l’épisode et lui permettre de jouir de ses vacances. « Laisse d’abord se rassasier les enfants. Car il n’est pas beau de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiots. » (27) En effet les non juifs sont considérés comme des chiens, des impurs. Jésus adoucit l’image en parlant de chiots, de petits chiens sympathiques devant lesquels on a plus d’ouverture, mais ce ne sont tout de même que des animaux comparés aux enfants qui, eux, sont des humains. Il y a une grande marge. La femme lui répond du tac au tac en lui soulignant qu’il n’est pas question de priver les petits enfants, de leur ôter quoique ce soit. Cependant, en comblant les enfants sur la table de la surabondance, il tombe des miettes par terre qu’ils ne ramasseront pas et qui seront perdues. Elles suffiront amplement à guérir ma fille et elles nous combleront à notre tour, nous les petits chiens de l’histoire. Jésus est frappé en plein cœur. Il se rend compte que cette femme par sa grande confiance a guéri elle-même non seulement sa fille, mais l’a aussi éclairé, lui Jésus. En effet elle l’a purifié d’un « œil mauvais » sur des humains étranges de par leurs différences, étrangers à la religion juive, mais non pour leur Père des cieux. Jésus était venu en ce territoire étranger pour créer de la distance et c’est le contraire qui est arrivé, car l’intervention spectaculaire de cette femme a plutôt banni une distance entre Jésus et cette catégorie d’être humain tout aussi précieux que ceux de sa religion. Pourquoi au même moment Jésus ne se serait-il pas souvenu de son ancêtre Booz qui recommandait à ses serviteurs de faire exprès d’échapper des épis pour la belle étrangère Moabite ?
Booz donna cet ordre à ses serviteurs : « Qu’elle (Ruth) glane même entre les gerbes, ne la tourmentez pas. Ayez même soin de tirer vous-mêmes quelques épis de vos gerbes. Vous les laisserez tomber pour qu’elle les ramasse et vous ne crierez pas sur elle. »
(Ruth 3, 15-17)
Jésus allait-il être moins ouvert que son ancêtre Booz ? C’est grâce à l’ouverture de Booz que Jésus comptera parmi ses ancêtres Obed, le fils de Booz et de l’étrangère Ruth. Obed est le grand-père du roi David dont Jésus est le descendant. (Mt 1, 5 et Lc 3, 32) Au même moment où la petite fille de cette femme était délivrée d’un esprit impur, Jésus se sentit sûrement très bien à la suite de sa purification des impuretés qui restaient encore en lui, fruits de toute son éducation. Jésus par cette femme vit une nouvelle ouverture, passant d’une attitude exclusive à une attitude inclusive, d’une approche excluante à une approche incluante, englobante. Non seulement Jésus est-il un fils de l’homme passionné pour les humains particuliers, juifs, familiers, mais il sera dorénavant un fils de l’homme (de l’humain en général), autant ouverts aux étrangers qu’aux familiers. Eux aussi dorénavant seront le prochain de Jésus.
Contexte après
D’ailleurs immédiatement après l’épisode de la Cananéenne Jésus rencontre un étranger « au milieu des frontières des Dix-Villes » (7, 31). Il guérit sans aucune hésitation ce « sourd et mal parlant » qu’on lui a amené. Il le fait « hors de la foule » (7, 33) et « il leur recommande de ne parler à personne ». (7, 36) C’est peine perdue ! Il vient d’y avoir un virage en U grâce à cette simple femme. Dorénavant les étrangers ne sont plus des impurs à exclure. Ce qui est à exclure ce sont les mauvaisetés de notre cœur. Dorénavant l’être humain en urgence à secourir ce n’est pas seulement mon pareil, mais aussi ceux et celles qui sont différents.
Micho Lemieux | bibliste
Atelier biblique des 3B de la fondation La Présence
POÉSIE
Qui est-elle
cette étrangère
venue jusqu’à moi ?
Que demande-t-elle,
cette étrangère
outre le bien de sa fille ?
Soudain dans la voix
de cette femme
le prophète entend son Père
lui confident
sa mission nouvelle,
celle d’accueillir
tout être venu d’ailleurs
comme un proche de toujours
L’amour est langage.
L’Amour a parlé ce jour-là.
Cette femme
était sa parole
dans l’ordinaire du monde.
Vandière
arts visuels
« L’AUJOURD’HUI »
08/07/2012